G.Fr.Haendel:Le Messie - à l'occasion du millénaire de l'église St.Michel -
Digne d'un prestigieux millénaire
Le «Messie» de Haendel a forcé l'admiration à l'église Saint-Michel
Un des points forts des manifestations musicales devant marquer le millénaire de l'église Saint-Michel de Luxembourg, merveilleusement restaurée, a été sans doute la splendide interprétation du «Messie », de G. Fr. Haendel, interprétation honorée par la présence de LL.AA.RR. le Grand-Duc et la Grande-Duchesse. La chorale de Saint-Michel et l'ensemble «Les musiciens», dirigés par Gerry Welter, avaient présenté l'intégrale du chef-d’œuvre haendelien chanté en anglais.
A l'enseigne de la «Missa Solemnis» de Beethoven et des «Passions» de J. S. Bach, le «Messie» de Haendel est une des manifestations les plus prestigieuses du génie musical produit par esprit d'homme. La genèse de cet oratorio et la densité conférée an message musical tiennent purement et simplement du prodige, puisque la partition a été achevée en quelque 20 jours. Par ailleurs, les prémisses de cette œuvre monumentale ont été des plus mauvaises: désintéressement du public londonien envers le genre de l'opéra pour lequel Haendel avait tant investi, au bord de la faillite et à peine remis d'une crise articulaire aiguë, le compositeur se ressaisit en écrivant cette partition, conçue pour ainsi dire pour l'éternité.
Dès sa première publique à Dublin le 13 avril 1742, l'œuvre grandiose s'est imposée, ceci grâce à sa force dramatique d'une part, sa sérénité, sa joie et sa paix intérieure d'autre part. Du vivant de Haendel, le «Messie» se réjouissait de quelque 50 exécutions en public, la dernière ayant été dirigée par le compositeur en date du 6 avril 1759. Il fut pris d'un malaise au cours de l'exécution et devait rendre l'âme une huitaine plus tard. L'œuvre a continué son triomphe jusqu'à nos jours tout comme elle a fait l'objet de nombreuses orchestrations ou adaptations dues à Mozart, Mendelssohn, Berner, Schwancke, Klage, Breitenstein, Costa, Mac Faren, Chrysander, Herbage, Soldan et Laaff. Revenant de certaines tendances cherchant à romantiser le «Messie», les dernières décennies nous ont valu, surtout en Angleterre, un heureux «retour aux sources» avec des effectifs réduits, quelque 20 instrumentistes, des chœurs de 40 à 50 chanteurs, secondés par un clavecin et un orgue positif.
C'est d'ailleurs avec une formation de ce genre que Gerry Welter, chef de la «chorale Saint-Michel », approchait le chef-d’œuvre, et le choix des effectifs vocaux et instrumentaux restreints nous semblait conforme à sa conception musicale, orientée vers une très grande transparence, une lisibilité prononcée des textes. Ce fut d'ailleurs une occasion de plus pour prouver comment Haendel réussit à atteindre des effets grandioses avec les moyens d'expression les plus simples. L'interprétation nous laissait l'impression générale de réussite due sans doute aux efforts du chef de la chorale qui s'appuyait sur une excellente connaissance de la partition, sur une direction énergique, précise et dynamique qui faisaient revivre cette immense fresque musicale avec toute sa chaleur humaine et ses contrastes saisissants. Gerry Welter a prouvé par son interprétation que de grandes partition chorales, tel cet oratorio, ne sont pas le seul apanage de chorales professionnelles: rappelez-vous entre autres les chœurs «For unto us a child is born», «His yoke is easy» et les magnifiques fugues «Blessing and honor» et l'«Amen» final enlevés par la chorale avec brio. Après un léger flottement dans la «Sinfonia», l'ensemble instrumental «Les musiciens» a assuré avec engagement et compétence la partition orchestrale; autres instrumentistes méritants à ne pas oublier: Françoise Groben au violoncelle-continuo, Carlo Hommel au clavecin, J.-M. Kieffer à l'orgue positif, Gérard Millière et Patrick Haas à la trompette.
Du côté des solistes vocaux, la soprano Ingeborg Hischer remplaçait au pied levé Carmen Welter-Jander souffrante; hélas les risques ainsi courus se concrétisaient dans l'air «Rejoice greatly». Belle entente cependant avec l'alto dans le duo «He shall feed His flock», dans lequel nous avions le plaisir de retrouver l'excellente musicienne qu'est Marie-Jeanne Klein qui s'est également imposée dans «O thou that tellest good tidings» et surtout dans l'émouvant air «He was despised». Splendide! Heureuse surprise pour votre chroniqueur que de faire la connaissance du ténor Camille Kerger, très belle voix qui enlevait avec prestance «Evry valley», «But Thou didst not leave» et «Thou shalt break them». lonel Pantea ne manquait pas de «coffre» mais peut-être un peu de précision dans «Why do the nations» et «The trumpet shall sound» (trompette-solo Gérard Millière).
Une interprétation du «Messie» qui forçait l'admiration et l'enthousiasme des mélomanes. Une soirée décidément digne des festivités pour un millénaire.
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L.W. du 15 mai 1987