Lindberg: Requiem LW
LUXEMBURGER WORT DU 9 MAI 1997
Une remarquable découverte musicale
Le Requiem de Nils Lindberg au Conservatoire de Luxembourg
Le Conservatoire de Luxembourg prêta mardi soir son cadre à un concert d'un grand intérêt. Cette soirée musicale fut entièrement consacrée au compositeur suédois Nils Lindberg.
Parmi les auditeurs l'on remarqua la présence de S.E. M. Lennart Watz, ambassadeur de Suède, de personnalités des mondes culturel et économique, ainsi que des représentants des sociétés parrainant cette soirée. Le Luxemburger Wort était représenté par M. André Heiderscheid, administrateur délégué de l'Imprimerie Saint-Paul, et par M. Léon Zeches, directeur de notre journal.
A l'affiche de la soirée figurait le Requiem pour soli, chœur et bigband de Nils Lindberg, précédé d'une série de sept pièces, en grande majorité orchestrales, pour bigband. Pour la première partie du concert, le compositeur Nils Lindberg, présent sur la scène, occupa un double rôle: celui de pianiste et celui de chef d'orchestre ....
.... C'est donc après la pause que la pièce principale de la soirée fut présentée: le Requiem pour soli, chœur et big-bang. Au big-bang de Norrboten, renforcé de musiciens locaux, venaient s'ajouter les voix de Lena Willemark et Margareta Jalkéus, sopranos, Olle Peterson, baryton, ainsi que les choristes de la Chorale Saint-Michel de Luxembourg. Nils Lindberg avait pris place au piano. La partie de saxophone solo fut jouée par Anders Paulsson, qui nous avait déjà fait découvrir son talent au cours de la première partie. L'ensemble des exécutants fut placé sous la direction de Gerry Welter.
Les trois solistes de mardi soir furent les mêmes que lors du concert de la création mondiale de l'oeuvre à Stockholm en 1993.
Le Requiem de Nils Lindberg est une œuvre complexe et surprenante. Une classification de la partition dans un genre musical est aventureuse, C'est que cette musique est tellement riche et diversifiée. Le compositeur semble vouloir toucher à tout. Nombreux sont les genres musicaux abordés. La musique de jazz évidemment, mais aussi les musiques traditionnelle, folklorique, classique, grégorienne trouvent leurs expressions dans ce Requiem. L'ingéniosité du compositeur ne consiste pas en la juxtaposition de ces différents genres, mais bien plus en l'imbrication des multiples composantes. Par exemple dans l'Introitus, une mélodie grégorienne des chœurs se trouve superposée à une mélodie des plus libres du saxophone solo. Ce dernier instrument aura par ailleurs un rôle primordial tout au long de l'oeuvre. C'est précisément cet échafaudage stylistique qui peut d'une certaine manière surprendre l'auditeur à la première écoute. Nils Lindberg sait aussi rapidement faire évoluer son message. Nombreux sont les brusques changements d'atmosphère, les sauts d'humeurs. Le Lacrymosa en est un exemple frappant. Les premières mesures ne sont pas sans réminiscences à Carl Orff. Ce passage aux larges allures débouche sur un chant a cappella du chœur.
Inhabituel pour un Requiem est l'interlude orchestral voulu par Nils Lindberg. Ce passage instrumental s'inscrit tout de même dans la lignée des autres numéros de la partition. Donc, même si les moyens musicaux mis en œuvre sont variés et imposants, le message musical est empli d'émotion et de spiritualité. Ce Requiem témoigne d'une grande personnalité de la part du compositeur. Cette messe des morts est empreinte d'une luminosité éclatante. Jamais le message musical ne tombe dans un univers sombre et opaque.
Les artistes sur la scène du Conservatoire ne peuvent qu'être félicités pour leur prestation. Les musiciens du big-bang qui, dès la première partie du concert, surent faire vivre la musique du compositeur suédois, ont tout au long de la deuxième partie mis leur savoir-faire musical au service de cette vaste partition.
Quant aux trois solistes, les auditeurs ont découvert trois artistes aux tempéraments différents' Lena Willemark, d'une vitalité étonnante, aura surpris par l'étendue et la qualité de sa voix, aux accents tant émotionnels que personnels. Le kulning, tradition vocale des bergers, a été un des points forts de la prestation vocale de l'artiste. Cette technique vocale qui consiste à émettre des sons très aigus, sans articulations, est un des nombreux témoignages de l'influence de la musique folklorique dans le travail de composition de Nils Lindberg. Lena Willemark a maîtrisé cette technique avec une assurance presque déconcertante.
Margareta Jalkéus et Olle Peterson ont, chacun à sa manière et avec son tempérament, donné vie aux parties solistes de ce Requiem. La complémentarité des solistes fut totale lors des passages réunissant les trois solistes.
La Chorale Saint-Michel, avec à sa tête Gerry Welter, a largement contribué à la réussite de l'interprétation de ce Requiem. Les choristes, parfaitement préparés à l'oeuvre et à son univers, ont, au fil des passages choraux, su mettre en relief les finesses de la partition. L'écriture pour le chœur du compositeur évolue dans un tracé relativement traditionnel, tout en une grande liberté et diversité dans le contenu musical.
La direction de Gerry Welter utilise des gestes précis, pointilleux, efficaces. Sachant motiver ses chanteurs, il acquiert ainsi un niveau d'interprétation des plus intéressants. Le chœur est à l'aise dans tous les domaines, que se soit lors des passages demandant une retenue extrême, ou bien encore lors de passages plus «explosifs ». Le Sanctus peut servir d'exemple. Incroyable aura été la prestation du chœur, mais aussi de l'orchestre, lors de cet épisode où la musique de Nils Lindberg atteint des sommets de tension et d'intensité extrêmes.
Du fait du caractère imposant et grandiose du Sanctus, ce fut ce numéro que le chef décida de donner en rappel, en remerciement pour les nombreux applaudissements du public, enthousiasmé par la prestation de l'ensemble des artiste. Le compositeur fut égalent chaleureusement acclamé.
