Lindberg: Requiem TB
Recueillement religieux rythmé
Une interprétation entraînante du Requiem insolite de Nils
Le Requiem de Nils Lindberg (composé pour chœur, brass band, deux soprano et un baryton), n'a pas été créé dans une situation d'urgence. Issu d'une idée qui est née pendant quelques semaines de vacances d'été en Espagne, cette composition est plutôt une œuvre qui tente d'allier plusieurs héritages culturels : le jazz (qui, entre autres, a ses origines dans la musique funèbre de New Orleans), le chant de la mort de la liturgie catholique (texte que Lindberg a cependant purgé du Gloria et du Credo) et la musique traditionnelle de Dalécarlie (région suédoise où habite Nils Lindberg).
Ce Requiem-Jazz suédois s'apparente donc à un défi compositionnel, qui se laisse plus guider par le texte que par l'émotion et qui principalement puise sa sève musicale dans de subtiles études de rythmes entraînants et d'élans de jazz plus anguleux. Mais même si cette œuvre ne rayonne pas une émotion intense, elle réserve néanmoins aux auditeurs quelques clairières de méditation.
Le chef de la chorale Saint-Michel, Gerry Welter, n'a pas seulement le mérite d'avoir déniché ce requiem original; mais aussi d'avoir réussi à réunir pour un concert unique le compositeur (qui lors du concert a assuré les soli de piano), les trois solistes suédois qui ont enregistré ce requiem (sur un CD édité par Phono Suecia PSCD 78), ainsi qu'une des Big Band suédoise les plus réputées: la Norrbotten Big Band, à laquelle s'est adjoint un saxophoniste d'exception: Anders Paulsson.
Après une préparation intense et de longue haleine, Gerry Welter a su mobiliser et mettre en valeur les qualités du chœur Saint-Michel. C'est avec une patience acharnée, qu'il réussit à lui transmettre sa compréhension de cette œuvre, pour parvenir finalement lors du concert, à l'aide d'une direction vigilante et discrète, à équilibrer et surtout à insuffler plus de dynamique à ce chœur d'amateurs, qui est peu habitué à ces rythmes rapides à couper le souffle; mais dont la majorité des membres suivaient ses directives avec une aisance et un tempérament surprenants.
La qualité de cette interprétation était par ailleurs rehaussée par les interventions hors du commun de la soprano Lena Willemark et surtout du saxophoniste Anders Paulsson. Lena Willemark fit preuve d'une ouverture d'esprit et d'un tempérament étonnants. Son art de modeler le timbre de sa voix lui permettait de préserver une vigueur et une fermeté d'articulation jusqu'aux sonorités les plus extrêmes. Les moments forts de ce concert étaient néanmoins constitués par les interventions très expressives du saxophoniste Anders Paulsson. Doué d'une concentration et d'une sensibilité exceptionnelles, il réussit à distiller avec une finesse naturelle les sonorités les plus ardues.
En général cette interprétation rayonnait un bien-être musical, qui était essentiellement dû à la joie évidente avec laquelle chaque interprète s'adaptait aux autres. Cette communication chaleureuse, déjà présente lors de la répétition générale, générait un bonheur évident d'interpréter en commun cette œuvre avec humilité, simplicité et avec la ferveur requise. Ceci contribuait pour une 1arge part à la réussite de ce concert, qui, pour les mélomanes habituées à des œuvres plus classiques, pouvait être ressenti comme une découverte rafraîchissante d'un autre horizon musical
Jean Reiter
