Grand Concert 150e anniversaire
LUXEMBURGER WORT DU 8 NOVEMBRE 2000
Une musique religieuse sublime
Grand concert Mozart pour le 150e anniversaire de la Chorale Saint-Michel
Quel programme magnifique pour un anniversaire! D'une harmonie lumineuse, reflétant la plus haute spiritualité dans ses résonances pures qui ouvrent le coeur vers l'infini, la musique religieuse de Mozart nous a été rendue dans toute sa beauté lors du concert festif que la Chorale Saint-Michel en collaboration avec l'ensemble vocal St-Paulin de Trèves vient de donner au Conservatoire municipal. Il faut dire que la chorale s'était assurée de la collaboration d'artistes hors pair. Les solistes, les sopranos Emma Kirkby et Mariette Kemmer, l'alto Annette Wollwert-Goerens, le ténor Guy de Mey et la basse Ionel Pantea ont interprété les compositions de façon ressentie, dans toute leur noblesse mélodieuse. L'orchestre «La Banda», spécialisé en musique du XVIII siècle, nous a enchantés par sa fraîcheur, par une vivacité de tous les instants, par son style limpide et chantant, par ses rythmes brillants et joyeux. Sous la direction musicale claire et profondément «vécue» de Gerry Welter, le grand ensemble de musiciens, solistes, chœur et orchestre, trouva une véritable unité de ton, un élan commun qui les porta vers une interprétation d'un haut niveau artistique.
La soirée, un des sommets du programme commémorant le cent cinquantième anniversaire de la Chorale Saint-Michel, était placée sous le haut patronage du Grand Duc Jean. De nombreuses personnalités, parmi lesquelles l'archevêque de Luxembourg, Mgr. Fernand Franck et le ministre de la culture Mme Erna Hennicot Schoepges ainsi que plusieurs ambassadeurs et représentants de la ville de Luxembourg, assistaient au concert. Le président de la chorale, M. Guy de Muyser, esquissa un bref historique de l'ensemble tout en remerciant tous ceux qui ont aidé l'ensemble à se développer et à atteindre une qualité aussi remarquable. Ce sont d'abord les chanteurs et chanteuses motivés et fidèles aux répétitions, puis tous les musiciens qui collaborent régulièrement avec la chorale, l'organiste Alain Wirth, l'orchestre de musique de chambre «Les Musiciens», le chef de choeur Gerry Welter qui assume ses fonctions depuis déjà quarante ans ... et finalement les membres du conseil d’administration et les autorités ecclésiastiques qui ont encouragé les prestations des choristes dans la merveilleuse église Saint-Michel à l'atmosphère si intime et à l'acoustique tellement agréable. L'aide des autorités, du ministre de la Culture, du Fonds culturel, de la ville de Luxembourg et de tous les amis enthousiastes de la chorale est évidemment tout aussi vivement appréciée.
On écouta d'abord «Regina Coeli» KV 276 en ut majeur pour quatre soli, choeur et orchestre. Choristes et musiciens firent preuve d'un sens musical imprégné de dynamisme; le chef d'orchestre, attentif et très engagé, sait comment faire naître une tension musicale, une aspiration ou une douceur sublimée; qualités interprétatives qui ont porté le concert en lui donnant une charge émotionnelle captivante. On se laissa ravir par l'élan et la sonorité de l'orchestre, par les timbres de quatre belles voix musicales. On remarqua la différence de style entre les sopranos Emma Kirkby et Mariette Kemmer dans «Sub tuum praesidium», KV198. Il s'agit bien ici de deux approches diverses, nées du style et du type d'émission qu'il exige. Pourtant, ceci ne dérangeait pas, tant les voix étaient splendides et le sentiment véridique. On sait qu’ Emma Kirkby est devenue célèbre pour ses interprétations de musique de la Renaissance et de l'époque baroque, par sa collaboration avec «The Consort of Musicke» et «The Academy of Ancient Music». Ses interprétations de Haendel, de Mozart et de Haydn s'inspirent elles aussi de cette même tradition. La cantatrice chante de façon merveilleusement instrumentale. Sa voix très concentrée et infiniment pure porte loin tout en s'investissant entièrement dans ce galbe léger et gracieux de la phrase qui étonne par sa perfection. L'expressivité y vient de la musique dans sa beauté intériorisée, dans ses ornementations stylisées, bien plus que par la parole exprimée.
Mariette Kemmer par contre, doit sa renommée à l'opéra, ce qui ne l'empêche pas d'être également une excellente cantatrice d'oratorio, de lied et de mélodie. La parole est importante dans son art et elle a des accents qui touchent profondément; sa voix radieuse, forte et souple, d'un timbre riche et moëlleux, ainsi que sa sensibilité très mozartienne faisaient qu'on l'écouta avec grand plaisir. On peut avoir une préférence pour telle ou telle façon de rendre la musique religieuse de Mozart, mais la question est sans importance lorsqu'on a à faire à deux interprétations d'une telle qualité.
Ajoutons que la voix d'Emma Kirkby, artiste habituée aux «anciens» instruments, se mariait sans doute mieux à la sonorité de l'orchestre «La Banda».
On écouta ensuite deux airs de la cantate «Davide penitente» KV 469. Le programme nous apprit que Mozart, pressé d'honorer une commande de la Société des Musiciens Viennois, aurait eu recours à la messe en ut mineur KV 427 (que nous entendrons ensuite) en empruntant le Kyrie et le Gloria pour écrire sa cantate. Les deux airs que nous entendîmes étaient toutefois nouveaux et spécialement composés pour l'occasion par Mozart. L'aria no. 6 «A te fra tanti affanni» fut interprété par le ténor Guy de Mey, une voix bien timbrée, d'une grande intensité, un chanteur à l'expressivité nuancée dont les notes dramatiques gardaient cette réserve noble propre à l'oratorio et à la cantate. Les deux airs proposés sont passionnants, d'une remarquable variété d'atmosphère et d'émotion, un sentiment qui nous parvint dans l'interprétation chantante et musicale d'Emma Kirkby, une exécution au phrasé développé avec tendresse, aux ornementations fines et claires, aux vocalises chatoyantes.
La messe en ut mineur KV 427 est un des chefs-d'oeuvre de la musique