Concert "Le chant des étoiles"
Luxemburger Wort du 15 mai 2003
L'Europe en marche
La Chorale Saint-Michel au Conservatoire de Luxembourg
Vendredi dernier, le Conservatoire de Luxembourg s'était paré des couleurs européennes afin de commémorer d'une part la fête de l'Europe et d'autre part l'entrée des dix nouveaux Etats membres dans l'Union européenne.
Un bouquet composé de bleu sombre et de fleurs jaunes s'épanouissant sous les orgues majestueuses soulignait encore davantage le «plus d'Europe», fil conducteur de ce concert intitulé «Le chant des étoiles». Le thème dominant de la soirée était la paix, celle que voulaient assurer les fondateurs de cette Europe unie et qui reste le sujet de préoccupation encore aujourd’hui
En première partie, les nouveaux pays sont à l'honneur, par des airs traditionnels d'illustres compositeurs ou de modestes chants nationaux, sur des textes d'origines très diverses interprétés par la Chorale Saint‑Michel, réunissant 47 choristes sous la direction de Gerry Welter
De Henry Purcell à Mikis Theodorakis, quelques siècles sont ainsi enjambés pour le plus grand bonheur de l'auditoire, tandis que chaque morceau est introduit par Julia Knowles, qui en quelques phrases concises et sensibles plante le décor. En première partie, c'est au tour des nouveaux pays d'engager musicalement ce concert‑promenade.
Parmi les nouveaux venus à l'Union, la Pologne a sans doute présenté le caractère le plus poignant avec «Undser schetelt brent», mélodie jiddisch interprétée en solo et guitare par Bitty Wagner qui
illustre parfaitement la détresse d'une population aux abois, tandis que Malte chantait la paix sur un air très doux, dans «Pacem in maribus», ou encore Chypre, dont la berceuse «Ayia Marina» a certainement endormi plus d'un enfant...
L'Irlande quant à elle est représentée par David Pyke qui nous chante l'histoire d'un homme d'âge mûr qui se souvient non sans regret de sa folle jeunesse dans une vieille mélodie «Sally Gardens», arrangée par Benjamin Britten. Le baryton est accompagné par la pianiste Julia Knowles, au jeu discret, mais attentionnée et pleine d'à propos dans ses interventions.
Après l'entracte, quelques instruments vinrent compléter les chants. Ainsi Jim Foulkes à la guitare, dans le «Mémento» de M. C. Tedesco, compositeur italien, dans un air de tango bien espagnol...
Le Luxembourg, merveilleusement représenté par Carmen Welter Jander qui charma tout le monde avec son soprano moelleux en interprétant «Wéi meng Mamm nach huet gesponnen».
Filomena Domingues‑Lopo dans «Na fonte este Leonor» modula avec aisance le texte de Luis de Camôes, où l'on apprend comment les larmes d'une jeune fille près d'une fontaine, de tristesse se changent en joie lors que apparaît le bien‑aimé. L'Autriche, dans «Innsbruck, ich muss dich lassen», air mélancolique du XVe siècle, démontre que la Tyrolienne composée par un musicien flamand, Heinrich Isaac, mort à Florence avait déjà un petit relent européen!
Brahms représente l'Allemagne. L'oeuvre‑ «Der Gärtner», pour choeurs, cors (Marc Bouchard et Marc Olson) et harpe (Geneviève Conter) met en valeur l'adresse des musiciens et des chanteurs dans une interprétation parfaitement harmonieuse. Brahms encore dans «Abendständchen», un air préparant au repos nocturne, est suivi d'un Schumann inédit, avec une mélodie tzigane à la fois enlevée et teintée de nostalgie typique d'un peuple sans pays...
Pour finir, «Épiphanie», cycle de trois chansons avec accompagnement au piano, sur un texte de Yorgos Seferis mis en musique par Mikis Theodorakis, a amené l'assistance en
Grèce, pays qui en ce moment exerce la présidence de l'Union européenne.
En bis, la Chorale Saint‑Michel nous interpréta une ode à la paix de Benjamin Britten, hommage émouvant et pertinent à ce compositeur pacifiste convaincu de l'entente des peuples comme Robert Schuman, dont on fêtait justement l'anniversaire de sa déclaration du 9 mai 195 1.
Il convient de souligner pour terminer la performance remarquable de la Chorale Saint‑Michel, ensemble homogène et bien fourni en voix très pures se profilant en harmonies parfaites, tout à fait à l'aise dans un répertoire pourtant extrêmement varié, véritable florilège judicieusement choisi et dirigé par son chef Gerry Welter aux gestes précis et sensibles.
Le publie ne s'y est point trompé en gratifiant les artistes de la soirée de longs applaudissements.
Suzanne FABER