Allerséileconcert 2003
LUXEMBURGER WORT DU 8 NOVEMBRE 2003
Une aspiration au bonheur
Concert du Jour des morts en l'église Saint-Michel
«... au bonheur de l'au‑delà », disait Gabriel Fauré dans une déclaration ä propos de son Requiem. II précisa même: «Mon Requiem à été composé pour rien... pour le plaisir, si j'ose dire!» En s'éloignent du concept conventionnel de la célébration du deuil, l’écriture de Gabriel Fauré suggère un panorama céleste dans lequel prédomine la plus pure délivrance. C'est cette élévation et cette méditation spirituelle que les interprètes ont su nous faire partager lors du concert en l’église Saint‑Michel. Ce fut aussi le cas dans la première oeuvre au programme, la Messe des morts à quatre voix et symphonie (H.10) de Marc‑Antoine Charpentier. Dans toute sa grandeur et son élégance, cette musique baroque française transmettait sa splendeur à travers les talents honorables de ses interprètes.
Saluons d'abord la direction sensible et généreuse de Guy van Waas. Il remplaçait exception-nellement Gerry Welter, en tournée avec l'Orchestre philharmonique du Luxembourg. Mais on ne regrettera pas d'avoir pu découvrir un musicien qui sait transmettre sa science et son affection, et ce pour notre pur bonheur. La dynamique généreuse et le bouquet sonore de la Chorale Saint‑Michel accompagnaient des solistes excellents. Ursula Dimmer est une soprano qui rend le texte avec grande délicatesse pour lui donner une articulation et un déploiement tout à fait émouvant.
La mezzo-soprano Isabelle Heischbourg l’accompagnait idéalement, jusque dans les plus fines nuances et autres balances ainsi qu'une belle concordance dans les vibratos. Les équilibres jouent un rôle important dans cette messe. Ils furent admirablement proportionnés. Cela concernait les ensembles choeur‑orchestre autant que les solistes à tous les niveaux. Les trois solistes masculins proposaient aussi une cohérence et une souplesse vocale réussie, avec une petite réserve pour le contre‑ténor Bertrand Dazin qui accusait parfois un manque d'aisance dans les passages les plus virtuoses. Notons tout de même qu'il n’est plus très loin d'une belle maîtrise du véritable chant lyrique et qu'il possède un beau timbre vocal. Bernd Klauck (ténor) et Jean‑Paul Majerus (basse) touchaient à la perfection. Une facilité dans les passages les plus expressifs donnait, en concordance avec le couple Dimmer/Heischbourg, une interprétation des plus approfondies que l’on pouvait espérer. Jean-Paul Majerus réussit l'exploit de mener l'expression à son efficacité la plus poignante, il est vraiment un grand interprète.
L'orchestre reflétait, d'un bout à l’autre de cette messe somptueuse, l'équilibre d'ensemble jusque dans ses moindres fluctuations. Les instruments à vent qui n'avaient pas le moindre répit ont, ainsi que tout l’orchestre, exécute un travail
élaboré mais aussi délicat, sous une direction claire et précise. Cette messe, malgré son titre, savait représenter la vie, autant par son éclat que par la richesse sémantique soulevée par les interprètes.
Ce fut avec le Requiem de Gabriel Fauré que les interprètes menèrent le public vers d'autres dimensions grâce à leur expression et leur raffinement. Saluons la prodigieuse étendue sonore d'un choeur parfaitement nuancé sachant sculpter chaque syllabe avec une dextérité envoûtante. L'effet acoustique spatial provoqué par la contribution de l’orgue, avec Alain Wirth aux claviers, plongeait l’église tout entière dans une vibration harmonique intense. On admirait aussi la sonorité satinée, assez unique, de l’orchestre. Ceci était dû, entre autres, à la disposition avancée des altos, les violons se situant à l’arrière. Guy van Waas menait la baguette avec un soin engagé, intelligent et affectif envers le choeur et l’orchestre. La palme peut être attribuée aux solistes Ursula Dimmer et Jean‑Paul Majerus. Voix angélique pour l’une et consolation de l’âme pour l’autre.
On aura retrouvé la magie qui fait de ce Requiem de Fauré une oeuvre aussi unique, charmante, invitante et passionnante. Dans une église comble, ce concert du Jour des morts aura encore une fois tenu toutes ses promesses en nous offrant deux précieux trésors musicaux.
