06.04.09 LW
d'Wort du 06 avril 2009 (par Greg FOETZ)
Une invitation à la méditation
Concert de la Passion de la Chorale Saint-Michel et du Quatuor Kreisler
Le traditionnel concert de la Passion de la Chorale Saint‑Michel, placée sous la direction de Gerry Welter, témoignait cette année d'une connotation méditative particulièreÂment intense.
Malgré une programmation plutôt osée ‑ choeurs a cappella sur fond de musique ancienne, huitième quatuor de Chostakovich et oeuÂvres chorales du XIXe siècle ‑ il s'agissait effectivement de faire une coupure dans la continuité chorale ‑ on constatera néanmoins que le sens profond de la musique est restée tout au long du concert d'une intensité identique. Le but des musiciens ‑ un voyage intériorisé et une invitation à la méditation ‑ fut donc pleinement atteint.
C'est par une sonorité limpide que le choeur entame «Ehre sei dir Christe» de Heinrich Schütz. La maîtrise vocale fait fi des doutes: sérénité et ampleur valorisent cette oeuvre. C'est à travers des sphères aussi légères que délicates que les chanteurs progressent sur les chefs‑d'oeuvre suivants tels que le «Eheu, sustulerunt» de Thomas Morley. Cette conviction expressive se confirme de plus belle à travers une étendue sonore parfaitement maîtrisée dans le suÂblime «0 vos omnes» de Ludovico da Vittoria. On admire les teintes aériennes des voix, un équilibre contrôlé et des nuances raffinées dans l'«Improperium exspectavit cor meum» de Giovanni Battista Casali. Le Choral final de la pasÂsion selon Saint Jean est moins spectaculaire, mais l'émotion elle, demeure intense et profonde.
Il en est ainsi dans un tout autre répertoire pour le second volet du concert: le quatuor n° 8 en ut mineur de Dmitri Chostakovitch. Malgré le contraste stylistique, on comprend d'emblée la continuité sémantique voulue par Gerry Welter.
Les premiers accords, à la résoÂnance très intériorisée, ressemÂblent à une prière intime. L'acousÂtique de l'église prolonge les sons graves mais cela n'entrave en rien la progression dynamique. Le premier violon de Haoxing Liang est lumineux et les quatre instruÂments parfaitement unis.
L'allegro, possédé par une dynaÂmique endiablée, propulse la muÂsique vers une expressivité douÂloureuse, intensifiée lors de l'accalmie des deux largos finals dont la profondeur est quasi organique. Les musiciens gèrent un contraste subtilement nuancé d'ombres et de lumières. Rien ne laisse apparaitre un travail trop réfléchi, le langage reste naturel, sincère et tout a fait virtuose.
On aura rarement vécu une inÂterprétation aussi réussie et convaincante de cette oeuvre, si significative dans l'oeuvre de Chostakovitch.
Le choeur revient, après un court entracte, pour offrir au public un bouquet d'émotions avec le CanÂtique de Jean Racine de Gabriel Fauré. Après s'être engagés avec douceur, les chanteurs peignent une grande paix intérieure. On remarque quelques légères hésitaÂtions, qui restent cependant sans conséquences. L'exécution de «Ach, arme Welt, du trügest mich» de Brahms est moins pousÂsée, mais deux pièces composées par Anton Bruckner et magistraleÂment interprétées présentent un sommet bouleversant.
Ce qui marque le plus dans l'oeuvre liturgique de Bruckner est l'absence de rupture avec l'écriÂture symphonique. L'accord lumiÂneux sur le mot de Jésus dans l'«Ave Maria» précède un déveÂloppement très ressenti et judiÂcieusement modelé jusqu'à l'«Amen» final. L'aspect de la prière prend tout son sens dans «Christus factus est», encore plus ample, plus symphonique et symÂbolique. Après le Christ en croix, la deuxième partie «Exaltavit ilÂlum» célébre au mieux l'exaltaÂtion. «Gehe hin in deine Kammer» de Max Reger est la pièce la plus douce et attendrissante du concert et qui révèle la beauté du chant dans tout ce que ce dernier peut avoir de subtil, de triste et de lumineux à la fois.
Le concert s'achève sur «In paradisum» extrait du Requiem de Fauré avec Alain Wirth à l'orgue et Haoxing Liang au violon.